Une battante face au choléra

Julienne supportant Stephanie affaiblit par le cholera
Jeudi 1 décembre 2016 - 17:36

par Louibert Meyer

Alertée par la montée du Choléra dans les Nippes, l’un des départements touchés par l’ouragan Matthieu, une équipe de la World Vision-Haïti s’est rendue à Tamarin, section communale de Petite-Rivière de Nippes,  afin d’évaluer la situation et planifier la réponse à apporter à la population touchée.

Cette visite de terrain a permis de découvrir plus de 13 cas de choléra, dont un décès, et constaté la vulnérabilité de plus de 200 familles qui n’ont pas de système sanitaire adéquat. Un terrain propice face à la montée de maladies contagieuses comme le choléra. La défaillance des soins dispensés par un seul centre de santé ‘’la Clinique de La Visitation’’ qui peine à trouver les matériels nécessaires à la prise en charge des cas de choléra déclarés dans la zone. Le passage de l’ouragan a compliqué beaucoup plus un système de soins déjà fragile.

Au cours de sa visite chez Julienne, le Dr. Labbé rappelle les précautions à prendre en rapport au cholera et les soins à prodiguer à Stéphanie

Au cours de sa visite chez Julienne, le Dr. Labbé rappelle les précautions à prendre en rapport au choléra et les soins à prodiguer à Stéphanie

Parmi les malades du choléra se trouve Stéphanie, une fillette de 4 ans victime de l’épidémie tout comme sa grand-mère Julienne François. Dr Labbé, membre de l’équipe médicale de la World Vision dans les Nippes, a rapidement recommandé l’hospitalisation de l’enfant et sa grand-mère à l’Hôpital Sainte Thérèse de Miragoâne, le plus grand centre hospitalier de toute la région, situé à quelques 20 kilomètres de Tamarin. Un geste qui a sauvé leurs vies!

Sans attendre, World Vision a distribué des kits d’hygiène, du chlore, des filtres à eau, des sachets de sérum oral et des tablettes de purification d’eau à plus de 300 personnes, dont Julienne et sa famille, dans le but de ralentir la propagation de l’épidémie dans la communauté.

Une semaine après, Dr Labbé s’est rendu chez Mme Julienne François pour s’enquérir de sa santé et de l’évolution de Stéphanie. C’est une enfant très affaiblie par ce mal qui lui prend toute son énergie que nous avons trouvé. Elle ne peut même pas se lever toute seule. Pourtant elle est la grande chanteuse de la maison nous dit sa grand-mère devant la porte de son petit taudis où elle vit depuis plus de 11 ans. Maintenant, seuls les vagues de la mer et le passage des voitures sur la grande route viennent briser un silence imposé. Sa grand-mère, qui se relève, elle aussi, du choléra se débrouille tant bien que mal de répondre aux besoins de sa petite fille.

La maison de Julienne

La maison de Julienne

Depuis sa maladie, Stéphanie ne peut se rendre à l’école. Réveillée par notre présence, elle se bat pour nous expliquer comment elle a vécu le passage de l’ouragan Matthieu : ‘’J’ai eu très peur. Il y a eu beaucoup de vents. Le toit du centre d’accueil a failli s’arracher.’’ nous dit-elle sans pouvoir ajouter d’autres mots.

Stéphanie vit avec sa mère Ketia. Mais celle-ci ne peut pas grand-chose pour elle. Ketia a 24 ans et n’a jamais travaillé de sa vie. Joasson, le père de Stéphanie, l’a abandonné avec ses 2 filles depuis près de 2 ans. Même présent, le taxi moto ne les permettait pas de répondre à leurs besoins. Sans nouvelles de lui, Ketia pense que Joasson a pris le chemin du Brésil comme beaucoup d’autres jeunes garçons du quartier qui se laissent prendre au rêve du meilleur lendemain sur une autre terre.

‘’J’ai eu très peur. Il y a eu beaucoup de vents. Le toit du centre d’accueil a failli s’arracher.’’ nous dit-elle sans pouvoir ajouter d’autres mots.

Comme les autres maisons du quartier, la famille de Stéphanie n’a pas de latrines. La mer, source de leurs pains quotidiens, car tout le monde vit de ce que ramène de sa pêche Enel, le grand-père de Stéphanie, est aussi le lieu où faire ses besoins. Souvent les vagues montent vers la maison en pleine nuit perturbant le sommeil de tout le monde. En fait, cela fait longtemps que Julienne ne rêve plus. ‘’On ne reçoit la visite d’aucuns chefs depuis fort longtemps. On est obligé de rester dans cette situation. On n’a pas d’autres endroits où aller. Il ne me reste pas grand-chose de la vie sinon mes petits-enfants. Donc, rêver est un luxe qu’on ne se permet plus’’, nous dit-elle avec un pincement de chagrin et d’amertume.