Développement économique: «Epargnez pour le bien-être des enfants.»

Vendredi 25 novembre 2016 - 11:18

Humant l’air frais de l’arbre à palabre, un groupe de femmes sagement assis discute tranquillement sur la  place publique de Mbamane. Parmi elles, une femme debout, la pochette serrée entre les mains, le foulard de tête soigneusement noué, Mberry nous parle fièrement  de son histoire. Mberry est commerçante au village de Mbamane en même temps que membre d’une association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC). Les villageois s’approvisionnent chez elle en denrées alimentaires en attendant le prochain marché hebdomadaire. Aujourd’hui, ce n’est ni jour de marché ni retrouvailles de femmes, c’est un jour de rencontre et pas n’importe quelle rencontre : c’est le jour de la réunion d’épargne et de crédit. 

Mberry, membre d'une AVEC à Mbamane village ADP Diakhao

Tous les lundis, les membres du groupe se retrouvent sur la  place publique pour participer à la réunion d’épargne. Ces rencontres hebdomadaires sont obligatoires et sont aussi l’occasion pour les membres de contracter des prêts et d’épargner.

Instaurer un système de micro-finance adapté aux réalités locales

Le problème de l’accès au crédit demeure encore  dans les villages de l’ADP Diakhao tout comme à Mbamane, en effet toutes les couches de la  population n’ont pas accès au crédit. Selon les enquêtes LQAS*  d’Avril 2016, le pourcentage de ménages ayant un accès suffisant au crédit est évalué cette année à 31%  contre 34 % en 2015 et 38 % en 2011 soit une tendance à la baisse. Cette situation empire avec la faible présence des institutions de microfinance dans la zone.

Face à cette situation, World Vision à travers son projet de développement économique à Diakhao s’est investi dans la facilitation à l’accès au crédit. Pour y parvenir, le projet a adopté la méthodologie AVEC. Ainsi l’un des succès du projet cette année a été la mise en place de vingt-cinq nouvelles associations villageoises d’épargne et de crédit contre quatre en 2015;  le recrutement d’un agent de terrain et la mise à disposition de matériel a également facilité la  mise en place des groupes. Une Association Villageoise d’Épargne et de Crédit est un groupe de 15 à 25 personnes qui épargnent ensemble et font de petits emprunts à partir de ces épargnes. 

Les activités de ces associations fonctionnent en cycles d’une durée d’environ une année, au bout desquels les épargnes accumulées et les bénéfices tirés des prêts sont répartis entre les membres proportionnellement au montant qu’ils ont épargné. Au-delà de l’aspect financier, le groupe favorise le développement d’un certain leadership surtout pour les femmes mais mieux encore, la solidarité entre les membres. C’est aussi un cadre de partage d’idées multiples permettant une vie  sociale meilleure dans la communauté. Le groupe peut se réunir autour d’une activité génératrice de revenus pour permettre de travailler ensemble, mais  chaque membre a aussi la possibilité de mener une activité  individuelle pour subvenir à ses besoins.

Les enfants de Mberry dans la boutique, tout joyeux  avec leurs fournitures scolaires

C‘est justement l’histoire de Mberry,  qui a changé sa vie ainsi que celle de sa famille :

« Avant je n’avais jamais participé à une tontine**, je n’avais aucune activité professionnelle et je n’avais aucune notion de la gestion financière non plus. Par le biais de World Vision j’ai entendu parler des associations villageoises d’épargne et de crédit et j’ai adhéré. Lors de notre premier cycle, la part était fixée à 100 Fr et j’avais accumulé une épargne de 30 000 Fr lorsqu’on s’est partagé les fonds en fin de cycle ! 

Le premier prêt que j’ai contracté s’élevait à 20 000 Fr et m’a permis de commencer un petit commerce avec la vente de condiments dans mon quartier, c’est un seau qui me servait de récipient pour la vente. Au cours du 2éme cycle mon activité a commencé à prospérer car juste après le partage j’avais une épargne de 45 000 Fr et j’ai pu aménager une table pour la vente de  mes condiments.

Maintenant, j’ai quitté ma petite table et j’ai une boutique avec diverses marchandises. Grâce au bénéfice récolté j’ai assuré les besoins de la famille et j’ai appuyé mon mari pour la scolarité des enfants en achetant les fournitures scolaires. J’ai 7 enfants scolarisés et j’arrive à les prendre en charge, ils ne manquent ni de fournitures ni de goûter pour aller à l’école. »

Permettre aux femmes d'initier ou de renforcer des activités génératrices de revenus

L’augmentation du nombre de ménages ayant accès à un crédit suffisant permet le développement des activités génératrices de revenus dont les bénéfices servent à la prise en charge des enfants et à améliorer leur conditions de vie. Ces revenus permettent aux ménages de pouvoir davantage prendre en charge leurs enfants et met ainsi un terme au phénomène d'exode rural courant dans la région, qui consiste à déscolariser les jeunes filles et les envoyer travailler à la ville.

La fille de Mberry, aidant sa mère à gérer la boutique

LQAS* :Lot quality assurance sampling

Tontine** : La tontine est une association collective d’épargne, qui réunit des épargnants pour investir en commun dans un actif financier ou d'un bien dont la propriété revient à une partie seulement des souscripteurs. Les participants d'une tontine s'engagent à verser une somme prédéterminée à une fréquence donnée. Pour chaque tour de versement, un des participants est désigné pour être le bénéficiaire des fonds des autres participants. Deux modes de désignation du bénéficiaire existent : soit il y a tirage au sort avant chaque versement, soit le tirage au sort est fait une seule fois au début du cycle et les participants bénéficient des versements en fonction du numéro qu'ils ont tiré au sort. Source: Wikipedia

Crédit photos: Anna Daba Ndiaye