Une Lumière dans l'Obscurité: Histoire de Survie et d'Espoir d'Anto Mujinga

Par Tatiana Ballay, Communications Officer
Dans le village de Tshiyanda, sous le soleil de plomb de la province du Lualaba en République Démocratique du Congo, Anto Mujinga commence chaque jour sur un tapis posé directement sur le sol d'une petite hutte aux murs en boue. Des fissures parcourent les murs. Un seul bol d'eau repose dans le coin. Le vent s'infiltre par les ouvertures, apportant avec lui les sons de la vie du village.
Cela fait plus de vingt ans qu'Anto vit ici seule, entourée de silence. Sa jambe droite est paralysée, son bras droit inutilisable. Chaque mouvement est un combat. Mais sa vie n'a pas toujours été ainsi.
Née à Mutshatsha, l'enfance d'Anto était remplie de rires et de chaleur familiale. À dix ans, elle a été envoyée rendre visite à son oncle à Kolwezi. C'est là que tout a commencé : une douleur sourde dans sa jambe, un affaiblissement progressif de son bras. Son père a consulté des médecins, mais personne n'a pu poser un diagnostic clair ni offrir un traitement efficace. La maladie s'est installée, irréversible et cruelle, lui volant ses mouvements et peu à peu, ses rêves.
Au fil des années, le monde d'Anto s'est rétréci. La possibilité de se marier ou d'avoir des enfants s'est éloignée. Les liens familiaux se sont distendus. Finalement, elle s'est retrouvée complètement seule. Cherchant un endroit à l'abri des jugements, elle a trouvé refuge à Tshiyanda. La vie y est simple et dépouillée. Elle survit grâce à l'aide de quelques voisins bienveillants et à la visite occasionnelle d'enfants du village qui lui apportent du manioc et des rires chaleureux.
Ces enfants comptent énormément pour elle. Leurs visites lui rappellent qu'elle compte encore, qu'elle fait toujours partie d'une communauté. Dans leurs petits gestes de soin, elle trouve de la force.
Chaque semaine, des voisins lui apportent des sacs de manioc séché. Anto épluche patiemment les tubercules et conserve les déchets, les parties que les autres jettent. Elle vend ce "son" de manioc au marché local aux éleveurs de porcs ou aux familles avec peu d'options. Par jour favorable, elle gagne 2 000 francs congolais (0,80 $). C'est à peine suffisant, mais cela l'aide à s'en sortir.
Pendant près de cinq ans, Anto a compté sur une paire de béquilles offertes par des travailleurs de santé. Mais avec un bras paralysé, les béquilles offraient peu d'indépendance. Chaque mouvement était douloureux. Souvent, elle s'assoyait dehors, regardant les autres passer, attendant que quelqu'un l'aide à se déplacer de quelques mètres.
Ses limitations physiques rendaient presque impossible sa participation à la vie communautaire. Elle ne pouvait pas assister aux réunions ni même effectuer de petits trajets sans aide. Elle regardait de loin la vie du village avancer sans elle.
Puis, un jour, tout a changé.
Jean Nawej, un autre résident handicapé du village, lui apporta des nouvelles : World Vision distribuait des fauteuils roulants, et Anto figurait sur la liste. Au début, elle n'y croyait pas. Quelqu'un se souvenait d'elle ?
Le jour de la distribution, les voisins sont venus la chercher à sa hutte. "Anto, viens. Ils t'attendent." Avec beaucoup d'effort, elle utilisa ses béquilles pour se rendre au centre de santé. Là, elle vit le fauteuil roulant, solide, pratique et plein de promesses. Ce fauteuil roulant était un don de World Vision à travers son programme de GIK (Gift In Kind)
En touchant le cadre métallique et les roues qui tournent, ses yeux se remplirent de larmes.
"Je n'ai pas eu beaucoup d'aide dans ma vie, mais ce fauteuil roulant, c'est comme si quelqu'un venait d'allumer une lumière dans mon obscurité. C'est comme si quelqu'un voyait enfin que je suis encore là", murmura-t-elle.
Bien que sa paralysie persiste, le fauteuil roulant a changé sa vie. Elle ne peut pas se propulser seule, mais les mêmes enfants du village qui lui apportaient autrefois de la nourriture la poussent désormais avec enthousiasme.
"Ces enfants sont mes jambes, mes bras. Quand ils viennent, je me sens revivre", dit-elle.
Aujourd'hui, Anto peut quitter sa maison. Elle visite le marché. Elle salue les voisins, rit et reprend contact. Elle prévoit d'assister aux réunions communautaires et de partager son histoire. Elle espère que cela pourra inspirer d'autres, en particulier les femmes, à croire qu'il est possible de retrouver une place dans le monde, même après des années de silence.
Dans ce coin reculé du Lualaba, Anto Mujinga est devenue un symbole silencieux de résilience. Sa vie, autrefois marquée par l'invisibilité et la lutte, porte désormais un message d'espoir, grâce non seulement à un fauteuil roulant, mais aussi à la puissance de la communauté.
"Ce fauteuil roulant n'est pas seulement pour moi, Il m'a rendu ma dignité. Il m'a rendue visible à nouveau. Et c'est le plus beau cadeau de tous", dit-elle.
Une Vue Plus Large
L'histoire d'Anto n'est pas unique. À travers la province du Lualaba, de nombreuses personnes en situation de handicap restent invisibles, sans soutien et sans voix. Dans la seule zone du programme Maisha, sept personnes handicapées sont enregistrées : deux à Mutshatsha, deux à Tshiyanda, deux à Kayembe et une à Namwana.
Ces chiffres peuvent sembler faibles, mais ils reflètent un problème bien plus vaste : celui de la négligence systémique et de l'inaccessibilité. Pour des personnes comme Anto, un simple outil comme un fauteuil roulant n'est pas un luxe ; c'est une bouée de sauvetage.
Le fauteuil roulant qu'elle a reçu est plus qu'un équipement. Il symbolise un changement, aussi modeste soit-il, vers la reconnaissance de la dignité et de l'humanité de toutes les personnes, quelles que soient leurs limitations physiques. C'est un signe que personne ne doit être oublié.
Derrière chaque acte de bonté se cache une vérité plus profonde : l'espoir, même dans les coins les plus isolés, peut être restauré non par de grands gestes, mais par la compassion, la présence et le courage de se soucier.