Faire tomber les barrières à l'éducation des filles

Jeudi 14 juillet 2022 - 08:15
Des filles dans une salle de classe
Des filles dans une salle de classe

 

Par Farida Eliaka, Directrice du Plaidoyer, Communications et Engagement externe

À 16 ans, Esther a dû arrêté ses études sans plus jamais avoir la possibilité de retourner à l'école. Elle nous a confié, «je suis en colère surtout que je ne vais plus à l’école et je n’ai plus progressé dans mes études, je suis en colère, tout ce que j’avais planifié pour mes études est complètement bouleversé, je suis en colère ! Cela a commencé quand il était venu à la maison, il a couché avec moi pendant qu’il ne m’avait rien dit en avance et c’était à l’absence de ma mère », a-t-elle déclaré.

Dans le Nord-Ouest de la RD Congo, à Gemena, là où elle vit, beaucoup de gens ne croient pas à l'éducation des filles au-delà d'un certain âge. Les choses ont changé lorsque le projet Education Outloud (EOL) a été lancé et ajouté aux programmes de World Vision dans la province du Sud-Ubangi.

"L’évaluation des normes en matière de protection m'a ouvert les yeux et m'a aidé à voir les choses différemment", admet-elle. "Maintenant, je crois que les filles ont leur place dans la salle de classe".

Depuis, elle compte se réinscrire à l'école à la rentrée prochaine, et est devenue une défenseuse de l'éducation des filles dans sa communauté. L'histoire d’Esther n'est pas la seule dans ce coin du pays. En République Démocratique du Congo, les filles sont confrontées à d'incroyables obstacles à leur éducation. Malheureusement, beaucoup de filles qui se trouvent dans une situation similaire n'ont pas autant de chance.

L'éducation des filles: Défis et solutions

Parmi les principaux obstacles à l'éducation des filles figurent la pauvreté, la violence sexiste et les attitudes sociales et culturelles concernant le rôle des femmes et des filles. Comme Esther, de nombreuses filles des communautés reculées de la RDCongo sont victimes de la croyance de leur famille selon laquelle c'est un gaspillage d'argent d'envoyer les filles à l'école secondaire ou même primaire. D'autres cèdent à la pression culturelle ou financière qui les pousse à se marier jeunes. D'autres encore doivent abandonner l'école pour aider à subvenir aux besoins de leur famille en se prostituant.

La loi stipule que chaque enfant, quel que soit son sexe, a droit à une éducation. De plus, l'éducation des filles les aide non seulement à réaliser leur potentiel individuel, mais aussi à briser les cycles intergénérationnels de pauvreté et de désavantage.

World Vision estime que les filles qui reçoivent une éducation sont moins susceptibles de se marier jeunes et plus susceptibles de mener une vie saine et productive. Elles gagnent des revenus plus élevés, participent aux décisions qui les concernent le plus et construisent un meilleur avenir pour elles-mêmes et leurs propres enfants.

Mais investir dans l'éducation des filles ne se limite pas à les maintenir à l'école. Il s'agit de s'assurer qu'elles sont en sécurité à l'école et qu'elles disposent de toutes les ressources nécessaires pour apprendre et exceller au même rythme que leurs camarades masculins - y compris, dans le monde d'aujourd'hui, les ressources numériques. Selon lesrésultats des évaluations sur les normes menées dans 33 écoles bénéficiaires du projet EOL-AMEI et 3 communautés, ceux-ci ont confirmé que 80% des normes sur l’éducation de qualité ne sont pas respectées dans la zone d’intervention du projet. Et Selon une enquête menée par la Vision mondiale à Gemena, au moins 22,5% des filles de moins de 18 ans sont mariées précocement. La même source révèle qu'au moins 46,7 % des filles mineures ont des enfants sans être mariées. Bon nombre d’entre elles ne sont jamais revenues à l’école pendant leur grossesse ou après leur accouchement pour plusieurs raisons dont la non acceptation des filles-mères à l’école.

L’espoir suscité par le Projet Education Out Loud (EOL)

Après le lancement de ce projet le 27 Avril 2022, il s’est tenu le 08 juillet dernier la première réunion d’interface.Il s’agissait d’un plaidoyer à travers une réunion  entre les décideurs au niveau de la province et les bénéficiaires des services afin de permettre aux filles enceintes et adolescentes mères d’avoir accès, de continuer et de terminer leurs études sans discrimination dans les écoles de la ville de Gemena, province du Sud-Ubangi.

« Je suis tombée enceinte et mes parents ont décidé de m'abandonner. J'étais obligée de quitter l'école. Après, je me suis lancée dans la prostitution. Je menais une vie misérable. Grâce à World Vision, je suis redevenue utile. J'ai suivi une formation en coupe et couture. Mais je sollicite un appui pour continuer mes études », a confié Micheline, l'une des filles adolescentes mères qui bénéficie de la formation en coupe couture de la DIVAS/ CRS un centre appuyé par World Vision.

 Des stéréotypes sur l’impossibilité de la fille enceinte à poursuivre les études sont l’une des causes de la non scolarisation des filles mères. Des efforts en termes d’encouragement sont fournis pour arriver et les autorités sont désormais impliquées et servent de modèle pour encourager les filles mères.

« Je ne suis pas d’accord avec tous ceux qui se disent que les faiblesses des filles pendant la grossesse peuvent les empêcher d’aller à l’école ou de poursuivre leurs études. Moi-même, je fus une fille mère, je suis tombée enceinte à l’âge de 17 ans.  Mes parents m’ont beaucoup soutenu pour que je n’abandonne pas les études. J’ai accouché et j’ai pu continuer mes études jusqu’en licence. Aujourd’hui je suis Ministre Provinciale. Je demande à tous les parents dans la salle qui m’écoutent de faire comme mes parents, de ne jamais déposer votre fille quand elle est engrossée par accident, cela serait encouragé un mariage précoce que j’interdit et je condamne dans ma juridiction en tant que Ministre du Genre, Famille et Enfant » propos de Marie Thérèse THONTWA, Ministre Provinciale de l’Éducation, Affaires Sociales, Genre, famille et Enfant du Sud Ubangi lors de la réunion d’interface. Au nom du gouvernement provincial, la ministre a promis qu’un arrêté portant protection des filles-mères sera signé et toutes les parties prenantes seront appelées à son exécution.

Dans les échanges, les recommandations ont également tourné sur les pratiques à promouvoir pour sensibiliser la communauté à mettre fin à toute discrimination à l’égard des filles-mères. Des campagnes de sensibilisation à l’égard des parents et des autorités scolaires sont revenues dans le plan d’action convenu.

Le projet EOL-AMEI (Education Out Loud-Adolescent Mothers' Education Initiative) est implémenté dans le cluster Gemena. Il s’agit d’un projet de plaidoyer et de responsabilité sociale visant à mettre en évidence les obstacles qui empêchent les filles enceintes et les mères adolescentes de retourner à l'école a travers l'autonomisation des communautés et à l'engagement des institutions et des organisations internationales aux niveaux local, national et transnational. AMEI est mis en œuvre par World Vision UK en consortium avec 5 partenaires dont 2 de la RDC: World Vision RDC et CONEPT RDC,