RD Congo: Angèle,Survivante du Choléra : du Lit d’Hôpital à Héroïne en Première Ligne

Récit recueilli par Tatiana Ballay, Communications Officer, World Vision DRC
Je m'appelle Angèle Kayinda Mununga. J’ai 29 ans, je suis mariée et mère de sept enfants. Je vis à Kiminongo, Bloc Kabila 2, dans le quartier Dipeta de Fungurume, dans la province du Lualaba, en République Démocratique du Congo. Je suis Agent de Santé Communautaire (RECO) depuis 2019, bien avant l’apparition du choléra dans notre région. J’ai rejoint le réseau des RECO avec une mission claire : aider ma famille et ma communauté à adopter des comportements plus sains pour prévenir les maladies.
Ce que je n’aurais jamais imaginé, c’est que je deviendrais moi-même une patiente atteinte du choléra. Je suis une survivante du choléra.
« J’étais malade. Très malade. »
Les symptômes sont apparus soudainement, trois jours seulement après avoir été en contact avec ma coiffeuse, qui était également malade. La diarrhée était intense, incontrôlable et terrifiante. J’ai tout de suite compris que c’était grave. Mon mari et un chauffeur de moto-taxi m’ont transportée en urgence à l’unité de traitement du choléra de Manomapia, dans le quartier Lukeka.
J’y ai été admise et soignée gratuitement. Trois patients s’y trouvaient déjà, et d’autres sont arrivés peu après. À un moment donné, nous étions sept sous la tente de traitement. J’étais faible, amaigrie et profondément honteuse. Mes enfants ont été envoyés chez mes parents. Les voisins m’évitaient. Même mon mari gardait ses distances. Ma maison a été désinfectée et tout le quartier placé sous surveillance. Je n’étais pas seulement malade, j’étais stigmatisée.
Et pourtant, un matin, j’ai réussi à boire une tasse de thé. Cette tasse de thé m’a donné la force de me lever jusqu’à la véranda. C’est à ce moment-là que j’ai su que j’étais en train de guérir.
De Victime à Actrice de Première Ligne
Après ma sortie de l’hôpital, j’ai fait un vœu : je ne me contenterais pas de survivre, je deviendrais la preuve vivante que le choléra peut être vaincu.
Je suis retournée à mon rôle de RECO avec une détermination renouvelée. Cette fois, je n’étais plus seulement une agente de santé, j’étais une survivante. Les gens m’avaient vue malade, et ils me voyaient maintenant rétablie. J’ai été nommée responsable de la chloration pour le site de Kiminongo, une zone à haut risque où les habitants puisent de l’eau d’une source non protégée.
J’ai mené des séances de sensibilisation auprès de 208 ménages, en mettant l’accent sur les pratiques de prévention essentielles : les cinq moments critiques pour le lavage des mains, l’importance de boire de l’eau traitée ou bouillie, le stockage sécurisé de l’eau, l’hygiène alimentaire, l’usage des latrines et l’assainissement général. Chaque visite était une occasion de corriger des comportements dangereux et de promouvoir des gestes simples qui sauvent des vies.
J’ai aussi rejoint les équipes de désinfection des ménages, aux côtés d’agents formés. Nous utilisions des seaux, des seringues, des gants et des brochures éducatives — chaque outil étant une arme contre l’ignorance.
Quand une Voix Sauve une Vie
Je n’oublierai jamais mon voisin, qui croyait que le choléra était une malédiction incurable et refusait tout traitement. Un jour, son fils adolescent a commencé à présenter des symptômes graves. Je leur ai rendu visite, non pas en tant que RECO, mais en tant que mère et être humain. J’ai partagé mon histoire. Ce jour-là, il a accepté d’emmener son fils au centre de traitement. Son fils a survécu.
Être RECO, c’est Combler les Lacunes
Notre quartier fait face à d’immenses défis : croyances culturelles, superstitions, rejet des malades et manque d’infrastructures. L’unité de traitement du choléra fonctionne sous une tente. L’eau potable est rare, les déchets omniprésents et les latrines insuffisantes.
Mais grâce à nos efforts, les choses commencent à changer. La défécation à l’air libre diminue. De plus en plus de familles demandent maintenant à faire chlorer leur eau. Ce n’est pas une révolution, mais une transformation lente et constante.
Un Message aux Femmes, aux RECO et aux Décideurs
Aux femmes : C’est vous qui préparez l’eau, cuisinez les repas et nettoyez la maison. Vous êtes les gardiennes de la santé de vos enfants. Que vous le vouliez ou non, vous êtes en première ligne.
À mes collègues RECO : Vous êtes le lien entre la communauté et le système de santé. Votre voix compte. Votre présence sauve des vies.
Aux décideurs : Nous avons besoin de points d’eau potable, de systèmes d’évacuation des déchets, de latrines adéquates et de soins de santé accessibles. Sans cela, les efforts communautaires restent fragiles. Mettez en place des régimes d’assurance santé, formez et équipez les communautés, et investissez dans les infrastructures. La prévention sauve plus de vies que les traitements.
«Je suis Angèle. Je suis résiliente. J’ai été une victime. Aujourd’hui, je suis un modèle. »
Pour moi, la résilience n’est pas qu’un mot. Cela signifie passer du statut de patiente stigmatisée à celui de défenseure respectée de la santé publique. Cela signifie marcher avec un seau de chlore dans une main et des dépliants de sensibilisation dans l’autre. Cela signifie laisser la honte derrière soi et se tenir droite, fière.