RD Congo: Chantal Ilunga : Une Héroïne Cachée dans la Lutte Contre le Choléra

Récit recueilli par Tatiana Ballay, Communications Officer, World Vision
Je m’appelle Chantal Ilunga Kabungama. J’ai 50 ans, je suis mariée à John Ilunga et mère de sept enfants. Je vis à Simba, une aire du programme située dans la zone de santé de Likasi, dans la province du Haut-Katanga, en République Démocratique du Congo. Depuis 2021, je suis Relais Communautaire (RECO). Je fais également de l’élevage de poulets de chair et je suis membre active du groupe d’épargne Maendeleo, créé dans notre communauté grâce à Vision Mondiale.
J’ai rejoint le réseau des RECO par conviction. Au fil des années, notre communauté a été confrontée à de nombreuses crises sanitaires : choléra, paludisme, typhoïde, rougeole et malnutrition. Ma sœur est tombée malade une fois, principalement à cause d’un manque de sensibilisation à l’hygiène. Cette situation a tout changé pour moi. J’ai compris qu’informer, c’est protéger. À partir de ce moment-là, j’ai choisi de ne plus me taire.
Quand le Choléra Frappe, Je me Lève
En janvier 2025, le choléra est réapparu à Simba. Lorsque les premiers cas ont été signalés, j’ai ressenti une vague de peur et d’anxiété. Je savais à quelle vitesse le choléra pouvait tuer. Les rumeurs se propageaient plus vite que les faits. Certains pensaient que la maladie était due à la sorcellerie ; d’autres croyaient que les victimes avaient été empoisonnées. Les familles s’éloignaient des malades, et l’hygiène de base continuait d’être négligée.
Heureusement, ma formation de RECO avec Vision Mondiale m’avait préparée à cette situation. J’avais appris la prise en charge des cas, la nutrition, la désinfection et la promotion de l’hygiène. J’ai été rapidement déployée sur le terrain avec un mégaphone et une mission : éduquer la population sur les cinq moments critiques pour le lavage des mains, démontrer les techniques de traitement de l’eau et identifier les cas suspects.
Chaque matin, je recevais mes fournitures et mes missions après le briefing quotidien de la zone de santé, puis je partais pour atteindre 50 ménages par jour. Nous n’étions que 22 RECO pour plus de 22 000 personnes. C’était épuisant. Nous manquions de pulvérisateurs, de matériels de visibilité, de moyens de transport, et parfois même de chlore. Mais abandonner n’a jamais été une option.
Deux vies sauvées, un Message Puissant
Je n’oublierai jamais Mama Petronie et sa fille. En mars 2025, je menais une séance de sensibilisation dans leur quartier lorsque je les ai trouvées affaiblies, vomissant et souffrant de diarrhée. Elles croyaient qu’il s’agissait d’une attaque spirituelle, mais ma formation me disait le contraire : ces signes étaient clairs, c’était le choléra. J’ai organisé leur transfert immédiat au centre de traitement du choléra de la DACO.
Quelques jours plus tard, elles étaient complètement rétablies. Aujourd’hui, elles respectent scrupuleusement les pratiques d’hygiène et contribuent même à sensibiliser leur communauté. Cette expérience a prouvé que mon travail a de l’importance. On n’a pas besoin d’une blouse blanche pour sauver une vie – seulement des informations justes, données à temps.
Ce que Révèle le Choléra : une Crise de l’Eau et de l’Assainissement
Le choléra n’est pas revenu à Simba par hasard. Il est revenu parce que les conditions qui favorisent sa propagation n’ont jamais disparu. Dans notre région, les gens puisent l’eau dans des sources ouvertes, non protégées, souvent partagées avec les animaux. Il n’y a qu’un seul forage fonctionnel, construit par Vision Mondiale en 2017, qui ne suffit pas aux besoins de notre population croissante.
Les familles se battent pour quelques jerrycans d’eau potable. Quand il n’y en a plus, elles se rabattent sur des puits ouverts ou des ruisseaux stagnants. Cette eau est souvent trouble et contaminée. Beaucoup de foyers n’ont pas de latrines, de systèmes de drainage ni de stations de lavage des mains. Même certaines écoles et églises n’ont pas de toilettes sûres. Dans ces conditions, comment parler d’hygiène ?
Notre population grandit. Les quartiers s’agrandissent. Mais l’accès à l’eau potable et à l’assainissement reste presque au point mort. Le choléra revient, non parce qu’on l’oublie, mais parce qu’on ne l’a jamais vraiment empêché de revenir.
Changer les Comportements, un Geste à la Fois
Grâce au soutien de Vision Mondiale, notre zone de santé a enregistré 106 cas de choléra, dont six décès. Mais nous avons aussi désinfecté 2 120 ménages, sensibilisé 18 758 personnes, formé 36 enseignants et impliqué 62 enfants parrainés dans les efforts de sensibilisation. Les comportements changent lentement, mais sûrement. Aujourd’hui, les familles écoutent. Elles m’appellent. Elles signalent les cas suspects. Même les enfants me reconnaissent :
« Mama Chantal avec le savon », disent-ils.
Ce que j’ai appris
Être RECO, c’est plus qu’un rôle. C’est un combat quotidien, souvent invisible, non rémunéré, sous la pluie, et incompris. Mais c’est un combat qui sauve des vies. J’ai appris qu’un travail silencieux et engagé peut transformer toute une communauté.
Je continue ce travail car tant qu’une seule personne ignore que se laver les mains peut sauver une vie, ma mission n’est pas terminée.
Mon message
À mes collègues Relais Communautaires : Ne baissez pas les bras. Même quand nous sommes fatigués, sous-équipés et négligés, nous sommes la première ligne de défense entre la maladie et nos familles.
Aux donateurs et partenaires : Merci. Votre soutien donne aux femmes comme moi les moyens d’agir.
Au monde entier : L’hygiène n’est pas juste une habitude, c’est une question de survie. Je ne suis peut-être pas le genre de héros qu’on voit à la télévision. Mais ici, dans ma communauté, je me tiens debout avec ma voix, mes actions et mon engagement. Car un simple geste peut sauver une vie. Et cela, je ne l’oublierai jamais.